07/01/2020
Tant à découvrir - Ce court billet est un voyage de découverte de l’Ontario français de 1688 ayant pour seul guide la magnifique carte de la Nouvelle-France dressée par Vincenzo Coronelli, un cartographe italien à l’emploi du roi Louis XIV, et publiée à Paris en 1688. C’est avec une précision étonnante qu’il souligne les endroits à découvrir aux quatre coins de NOTRE PLACE, y compris les premières œuvres d’art des Pays d’en Haut ( #27). Les découvertes de cette époque lui étaient communiquées à travers les coureurs des bois, les trappeurs, les voyageurs, les commerçants de fourrures, les missionnaires, les explorateurs, les militaires et les interprètes (pour les alliances franco-amérindiennes) qui ont sillonné en canot d’écorce le vaste territoire de l’Ontario (population estimée d’environ 640 personnes d’origine européenne en 1688) devenue la province la plus peuplée du Canada avec plus de 14,5 millions d'habitants en 2020.
Savourez cette carte merveilleuse de la Nouvelle-France au lien suivant http://numerique.banq.qc.ca/patrimoine/details/52327/2246864 . Avec deux doigts vous pouvez l’agrandir à votre guise sans perdre la clarté des détails.
Une trentaine d’anecdotes brèves sont ici étalées par région de Windsor ( #8) à Moosonee et de Chute-à-Blondeau ( #12) à Thunder Bay ( #31), en passant par Sault-Sainte-Marie, Kingston et l’Île Parisienne :
LE SUD (au sud de la rivière des Français)
1- «Taiaiagon», devenu Toronto, est un grand village des Sénéca (nation iroquoise) que le père Louis Hennepin (le premier Blanc à voir les chutes du Niagara) décrit en 1678 comme un lieu animé ayant une palissade, 50 maisons longues et 5000 résidents.
2- «Ontario» est un nom d’origine iroquoise qui signifie «eaux scintillantes». En 1641, le mot Ontario désignait le territoire le plus à l'est sur la rive nord des Grands Lacs.
3- «Les Piquets» est le nom donné au Portage de 10 lieues (40 km) reliant les rivières Humber et Holland sur le passage qu’on appelle de nos jours le Portage de Toronto entre la lac Ontario et le lac Simcoe. En 1615 le premier Franco-Ontarien, Étienne Brûlé, emprunte ce passage et séjourne parmi les gens du pays.
4- Le nom de «Taronto» est dérivé d’un mot iroquois signifiant «là où il y a des arbres dans l’eau» en référence aux grilles à poisson utilisées pour la pêche dans le lac Taronto situé à 80 km au nord de Toronto. Fort Portneuf, bâti en 1749 à l’embouchure de la rivière Humber, est nommé de préférence Fort Toronto par les Premières Nations. Le lac Taronto devient le lac Simcoe en 1793.
5- Sur la carte de Coronelli à quelques lieus au nord du lac Taronto (un lieue équivaut à quatre km) se trouve le pays des Missisaghe(a), (Mississauga). À cette époque, l’Ontario est un territoire qui relève directement du gouverneur général de la Nouvelle-France. On le surnomme les «Pays d’en Haut».
6- Un deuxième portage avoisinant (souligné sans nom par Coronelli) mène de l’actuelle ville de Barrie sur le lac Simcoe à la baie Géorgienne via la rivière Nottawasaga. Ce deuxième passage d’une longueur de 14 km a été utilisé par Samuel de Champlain en 1615 pour se rendre en Huronie. Aujourd’hui, il fait partie intégrante de la nouvelle Route Champlain.
7- À la tête du lac Ontario entre le Saut du Niagara (à Niagara Falls) et le Cap Enragé (dans le comté de Chautauqua, New York) se trouve le Fort Conty(i) construit en 1679 par René-Robert Cavelier de La Salle.
8- Le lac de Sainte-Claire près de l’actuelle ville de Windsor est nommé ainsi le 12 août 1679 par l’équipage du Griffon, le premier voilier des Grands Lacs, en ce jour de la fête de Claire d’Assise, la sainte italienne canonisée en 1255.
L’EST (à l’est de Kentsio dans la baie de Quinte)
9- Kentsio est un village des Cayuga (une nation iroquoise). Son emplacement exact dans la baie de Quinte reste un secret d’histoire. En octobre 1668, les sulpiciens français Claude Trouvé et François de Salignac de la Mothe-Fénelon y fondent une mission portant le nom de «Kenté».
10- Fort Frontenac au fond du lac Ontario à l’ouest des Mille-Îles est érigé en 1673 par Louis de Buade de Frontenac, deux fois gouverneur général de la Nouvelle-France (1672-1682 et 1689-1698). Il est le fondement de l’actuelle ville de Kingston.
11- À l’instar de la rivière Richelieu (au Québec) le fleuve Saint-Laurent (en Ontario), entre Fort Frontenac et la rivière des Outaouais, porte le nom de rivière des Iroquois. Les cinq nations iroquoises occupent toute la rive sud, des monts Sainte-Marthe près du lac Champlain jusqu’au lac du Chat (Érié).
12- Le Long Saut sur la rivière des Outaouais coure sur plus de 20 km de Chute-à-Blondeau en aval jusqu’à l’actuelle ville de Hawkesbury en amont. Depuis la construction du barrage de Carillon en 1963 le Long Saut est submergé.
13- En amont du Long Saut on découvre le Saut de la Chaudière qui est le site de l’actuelle ville d’Ottawa. D’ailleurs, l’île Chaudière près du centre-ville porte toujours le nom en rappel de ce riche fait français de la capitale nationale du Canada.
14- Au cours de l’été 1613, Champlain (le père de la Nouvelle-France) perd son astrolabe daté de 1603 sur la rive ontarienne de la rivière des Outaouais près du Saut aux Allumettes. Il sera retrouvé 254 ans plus t**d en 1867 à Cobden (Ontario) près de l’actuelle ville de Pembroke.
LE NORD (au nord de la rivière des Français)
15- Au Saut Mataouan (Mattawa) la petite rivière des Outaouais (devenue la Mattawa) s’écoule vers l’est. Elle prend sa source dans plusieurs petits marais près du lac Nipissing. Au pays des Nipissiniens, Jean Nicolet épouse en 1627 la fille du chef de cette Première Nation afin de sécuriser la route de la Huronie.
16- Les trois Portages La Vase relient de nos jours le passage entre la rivière Mattawa et le lac Nipissing à travers une zone marécageuse d’une longueur d’environ 15 km. Ce passage est situé à 5,5 km à l’est de l’actuelle ville de North Bay le long de la Route 17.
17- La rivière des Français, près de l’actuelle ville du Grand Sudbury, est la décharge du lac Nipissing. Elle se jette dans la baie Géorgienne à proximité de la Pointe Plate. Depuis toujours ses berges abondent de bleuets au délice des voyageurs.
18- La Pointe Plate (aujourd’hui Flat Point à Killarney) au bout de la Route 637 marque le renommé «passage des canots» entre l’île George et la terre ferme. Cet endroit sécuritaire de mouillage est connu de tous les canotiers du chenal du Nord entre l’île Manitoulin et les légendaires montagnes du Nord (aussi appelées les montagnes La Cloche).
19- Coronelli indique que l’île Manitoualin (Manitoulin) est le lieu d’assemblée des Amicouës, des Anichinabés, des Hurons-Wendats, des Mascoutens et des Pétuns, entre autres. En 1648, le père jésuite Joseph Poncet devient le premier résident blanc de l’île où il y établit une mission de courte durée pour desservir les insulaires de langue algonquienne.
20- La Pointe au Pin, au pays des Sauteurs (aujourd’hui Pointe aux Pins à côté de l’aéroport de Sault-Sainte-Marie, Ontario) sur la rive nord de la rivière Sainte-Marie, fait face au Michigan où se trouve sur la rive sud la «mission de Sainte Marie du Saut» fondée en 1668. En 1623, Étienne Brûlé aurait nommé l’endroit «Sault de Gaston».
21- L’Île Parisienne près de Sault-Sainte-Marie est le plus grand mystère ontarien. Pourquoi l’a-t-on nommé ainsi ? Personne ne semble connaître l’origine du nom de cette petite île adossée à la frontière aquatique séparant le Canada et les États-Unis.
22- À l’embouchure de la rivière Batchianon (maintenant Batchawana), Coronelli rapporte en 1688 que dans le lac Supérieur (aussi lac de Condé) on y trouve du cuivre rouge très pur. Puis, 332 ans plus t**d, la pointe Copper Mine (Mine de cuivre) et son ancien phare rouge et blanc (une ville fantôme) rappelle cette note historique.
23- L’Île Montréal qui garde la baie Agawa offre sur son flanc occidentale les plus beaux couchers de soleil en Amérique, vous diront les kayakistes de l’ère numérique. Coronelli le savait peut-être au dire les canotiers du 17ème siècle.
24- Moose Factory, dans la baie James, est un important poste de traite et la première colonie anglaise en Ontario. Après sa prise par les Français en juin 1686, il est rebaptisé Fort Saint-Louis. Le fort est situé sur une île à l’embouchure de la rivière Moose, en face de l’actuelle ville de Moosonee. Il n’y reste qu’un cimetière.
LE NORD-OUEST (de l’anse de Michipicoten vers l’Ouest)
25- En 1659-1660, Pierre-Esprit Radisson et Médard des Groseilliers (les fondateurs de la Compagnie de la Baie d’Hudson en 1670) explorent les environs de la rivière Michipicoten recherchant des fourrures de qualité. La «Vieille Dame» et ses «Grandes Falaises» (signification ojibwé de Michipicoten) près de l’actuelle ville de Wawa sont à la fois des points de repère aux navigateurs et des incontournables aux visiteurs.
26- «Teste de loutre» est une ancienne expression française signifiant tête de loutre. De nos jours, les loutres de mer que l’on peut observer à la rivière aux loutres le long du sentier des trappeurs dans le parc provincial Lac Supérieur soutiennent les indications de Coronelli.
27- «Massinaigan ou Écriture» mentionnées par Coronelli s’expliquent par le fait qu’en anishinaabe le mot pour qualifier un écrit est «massinaigan». Agawa Rock est reconnu pour ses peintures rupestres qui sont parmi les premières œuvres d’art de l’Ontario. On y trouve plusieurs sites de pictogrammes.
28- «Le Pik» (aussi le Pic) identifie près de l’actuelle ville de Marathon le territoire de la Première Nation des Ojibwés de la rivière Pic qui est une voie navigable névralgique entre le lac Supérieur et la baie James via le Long Lac qui traverse l’actuelle ville de Greenstone de l’Association française des municipalités de l’Ontario.
29- Parmi les «gens des terres» qui préfèrent chasser plutôt que cultiver, Coronelli souligne les Outoulibis au sud de la baie James. Selon Baqueville de la Potherie, un historien de la Nouvelle-France, ces peuples nomades troquent régulièrement avec les Francos d’Amérique (nos aïeux).
30- Fort La Tourette est établi en 1683 par Daniel Greysolon Duluth (un militaire) sur les rives de l’Alemenipigon (lac Nipigon) pour empêcher les Kilistinons et autres nations de l’Amérique septentrionale, dont leur pays est très-peu connu, de descendre à la baie d’Hudson pour y traiter avec les Anglais.
31- L’Anse noire (aujourd’hui Black Bay) à proximité de l’actuelle ville de Thunder Bay borde le parc provincial Sleeping Giant. Ses contours spectaculaires sont formés de roches basiques.
32- Le lac Buade (maintenant le lac des Mille Lacs) nommé par le père Louis Hennepin en 1680 se trouve au Minnesota, à moins de 150 km de Duluth, un important centre pour la traite des fourrures.
Fier d’être Franco-Ontarien.
Jean-Pierre Bernier
Aurora, Ontario
À voir sur BAnQ numérique : Partie occidentale du Canada ou de la Nouvelle France où sont les nations des Ilinois, de Tracy, les Iroquois, et plusieurs autres peuples, avec la Louisiane nouvellement découverte etc. /