02/04/2017
DE TOUTES NOS FORCES
Roman par François Harvey. Chapitre 7. Extrait.
Thermo était le capitaine, j’étais son lieutenant. Il n’hésitait pas à me confier les tâches les plus lourdes, les objectifs les plus difficiles à atteindre, il savait pouvoir compter sur moi. C’est ainsi qu’il me commanda de monter un dossier complet sur le site Alpha, le cœur de la Bête. Dans le passé, j’avais déjà effectué avec Emma un travail de recherche très approfondi sur Alpha, son réseau, ses tentacules, ses méthodes. J’avais déjà pas mal de travail de fait. À l’époque, nous nous étions glissés par les bois jusqu’aux abords des installations d’Alpha, nous avions effectué une reconnaissance photographique complète des lieux. Nous avions campé toute une nuit à l’aéroport de Saint-Irénée, destiné aux besoins des crapules d’Alpha, et y avions noté que des Learjets y atterrissaient ou en décollaient à toutes les demie-heures. On déchargeait des caisses de matériel, on y embarquait des dignitaires des pays étrangers, le tout en l’absence totale de toutes formalités de douanes ou d’immigration.
Thermo voulait que je rafraîchisse nos connaissances sur ce site. J’ai déjà été parachutiste, j'ai fait partie de la Légion étrangère de l'armée allemande quand j'avais dix-neuf ans, je suis habitué à porter de lourdes charges. Je décidai d’y aller seul. Saint-Germain s’occuperait de surveiller la maison.
Je roulai trois-cent-quatre-vingt kilomètres vers l’est. J’avais apporté mon sac de couchage et une paire de raquettes. Je dissimulai ma voiture sous des branchages, les recouvrit de neige, dans un petit chemin de traverse dont la neige témoignait qu’il n’était pas emprunté. Je mis mon sac-à-dos, pris une machette, et, m’aidant d’une boussole, je m’enfonçai dans les bois. Je marchais depuis deux heures quand je fus stoppé par une clôture Frost surmontée de barbelés. Je sortis une paire de cisailles, me dégageai un passage et repris ma progression. Au loin, je voyais fumer les feux de foyers que l’on entretenaient au château des ploutocrates. Je pris quelques clichés. Maintenant, j’étais à découvert. J’étais revêtu de blanc de pied en cap, mon visage recouvert d’une épaisse couche de maquillage blanc. Je me confondais dans le paysage.
Le terrain, maintenant, était à découvert, jusqu’à un jardin de style français qui entourait les bâtiments de la famille Desmartaux et ceux de ses valets et gardes du corps. J’entrepris de faire le tour du bâtiment, mon zoom étiré au maximum, et de photographier et filmer tout ce qui pouvait être utile. Je prenais de grands panoramiques de 180 degrés. Je ne pouvais pas vraiment m’approcher d’avantage. D’ailleurs, bientôt, je perçus des aboyements : j'avais été repéré, on avait lâché les chiens. Je retournai aussi vite que je pus vers l’ouverture que j’avais pratiqué dans la clôture, mais les chiens couraient plus vite que moi. Je comptai six dobermen. Des sales bêtes. Il allait falloir que je me défende, c’était évident.
J’enfilai mon masque à gaz et sortis une grosse cannette de gaz de Cayenne. Le chef de la meute n’était plus qu’à une vingtaine de pieds de moi quand je lançai un premier jet de Cayenne en sa direction. Il roula dans la neige, le souffle coupé. Les autres chiens hésitaient. Pas moi. Je balançai une gr***de fumigène en leur direction et m’avançai vers eux, caché par l’écran de fumée. J’aspergeai tous les environs de gaz, vidai la bonbonne au grand complet. Maintenant, l’air était irrespirable dans un rayon de cinq cents pieds. Les bêtes geignaient, se roulaient dans la neige, elles cherchaient de l’air mais de l’air il n’y en avait plus du tout, que du gaz. Je dégoupillai une seconde bonbonne et la vidai en leur direction, que ces salauds de dobbermen aient leur compte. Puis je traversai la clôture.
Les aboiements des chiens avaient alerté les gardiens de la propriété qui s’en venaient en ma direction comme je pouvais le voir avec mes jumelles. Je décidai de les attendre; j’étais paré pour eux-aussi. C’était des mercenaires, des bandits, pour la plupart, à la solde de plus bandits qu’eux, ils ne méritaient aucune considération, aucune pitié. Je balançai deux autres fumigènes. De mon sac, je tirai une grande cannette de Raid contre les frelons. J’attendis, ils venaient dans ma direction, ils criaient, ils étaient armés de mitraillettes, ça ne m’impressionnait pas beaucoup, ils allaient voir ce qu’ils ne verraient plus.
Ils suivaient mes traces dans la neige, repérèrent le trou que j’avais pratiqué dans la clôture, traversèrent de mon côté. Je m’étais dissimulé derrière un gros bouleaux aussi blanc que moi. Ils étaient cinq. Le plus gros se dirigeaient tout droit vers ma cache. J’allumai mon Zippo, visai la tête chauve de ce type-là, appuyai sur le bouton-pressoir de la bonbonne ce qui en fit jaillir un long jet que j’enflammai avec mon Zippo. Je visais la tête. Il reçut les flammes en pleine face. Il hurla de douleur. Ses copains vinrent à son secours. Je continuai à les asperger de mon lance-flammes. Ils ne savaient plus du tout quoi faire, leurs vêtements prirent feu, leurs munitions aussi, ça pétaradait dans tous les coins, ils passaient décidément un très sale quart d’heure. Je les abandonnai là à se rouler dans la neige, repris la route vers ma voiture et repris lentement la route vers le sud puis vers l’ouest.
Mission accomplie.