05/11/2024
À TOI QUI AS LE DROIT D’AIMER TES DEUX PARENTS
Comme la plupart des jeunes, on m’a appris que mon corps, c’est mon corps, on m’a aussi appris à ne pas faire confiance aux étrangers. Et j’ai appris que tout le monde mérite le respect. Mais je n’ai pas appris que mon cœur, c’est mon cœur, que ma tête, c’est ma tête, ou que MA voix m’appartient.
Ce que j’ai vécu, enfant, ça s’appelle de l’aliénation parentale. C'est un terme pour définir ce que j’ai vécu, c'est peut-être ce que tu as vécu ou que tu vis aussi. C'est pas simple de raconter ce que j’ai vécu. Je peux sans doute commencer par ma propre définition de l’aliénation parentale. Pour moi, ce terme signifie bien plus que l’instrumentalisation de l'enfant (moi) afin de favoriser le rejet injustifié et la désaffection à l'égard de l'autre parent (dans mon cas, ma mère).
L’aliénation parentale pour moi, concrètement, ça veut dire qu’entre l’âge de 4 à 14 ans :
Je ne peux pas apporter mes vêtements de chez maman chez papa. Ça veut dire que dans ma tête maman s’en fiche si je vais bien car elle a juste eu des enfants pour l’argent du gouvernement. Ça veut dire que dans ma tête maman veux juste du mal à papa. Ça veut dire que j’ai une boule de stress dans ma gorge quand je dois rentrer de l’école. Ça veut dire que quand je suis chez papa, je dois bien aller. Ça veut dire que je suis en colère. Et au final, ça veut dire que si je déteste maman, démontre que je déteste maman, mon père peut m’aimer.
Même si, par moi-même, je ne la voyais pas cette “maman méchante” que mon père avait créé, il m’avait prouvé qu’elle existait, et donc, je me devais de la haïr pour tout le mal qu’elle nous faisait. Je vivais tellement de colère, tellement de peine et pourtant quand j’exprimais mon mal être à mon père, pour lui, la seule raison de mes maux était ma mère. Donc je détestais vivre chez maman. Je comprends aujourd’hui que j'ai développé des moyens d'adaptation pour gérer ma souffrance. J’ai commencé par me pincer les bras, puis en 6ième année du primaire, j’ai commencé à m'automutiler et à avoir des idées suicidaires. À 14 ans, en voyant mon mal-être, ma mère et moi avons décidé qu'il était mieux pour moi de partir vivre en centre de réadaptation pour quelques mois.
Cette année-là nous sommes passés en cour. On va vous dire que c’est moi qui a fait ce choix, mais même si c’est moi qui le demandais, moi, je n’ai rien choisi. Moi, je dirais que je n’avais pas le choix de faire cette demande. Et le juge m’a accordé ce que je demandais. Donc j’ai pu déménager chez lui et changer d’école, en espérant que, si je lui donnais cela, il allait m’aimer sans que j'aille à détester Maman, et j’irais enfin mieux. J’étais tellement malheureuse cette année-là. Je suis tombée en dépression, j’ai développé un trouble alimentaire, à la place de m’automutiler pour ne pas gâcher mon « cover » de fille qui était heureuse.
Heureusement, une mesure d'urgence a été ordonné parce que mes discussions avec ma psychologue l’ont inquiétée. Je suis retournée vivre en famille d’accueil afin de me retrouver dans un milieu neutre, puis après deux séjours en centre jeunesse après des rechutes et tentatives de suicides, je suis retournée vivre chez maman.
Encore aujourd’hui, nous réparons notre lien petit à petit avec beaucoup de patience et de compréhension. Tranquillement, j’ai commencé à me réparer moi aussi. Mais je ne serais jamais 100% guérie.
Aujourd’hui, j’ai 18 ans. J’ai encore tellement de séquelles, tellement de difficultés qui rendent ma vie au quotidien difficile. Aujourd'hui j’en suis consciente, et c’est pourquoi j’essaie de transmettre ce message au plus grand nombre de jeunes possible.
Je me permets de citer Emy, l’ambassadrice du CAP qui m’a aidé, il y a 3 ans, à comprendre ce que je vivais :
L’amour d’un parent devrait être inconditionnel. Jamais au grand jamais un enfant ne devrait faire quoi que ce soit pour mériter l’amour de l’un de ses parents, encore moins rejeter l’autre. Si tu penses que tu vis une situation anormale avec ta famille qui ressemble à ce que j’ai vécu, la première étape est d’en parler à une personne de confiance. Je sais que c’est très dur à faire. Moi-même je n’en ai pas été capable, je croyais que tout était de ma faute. Mais ce n’est pas de notre faute. Je t’assure que tu n’es pas seul à vivre cela, et tellement de personnes vont te comprendre et t’appuyer si tu demandes. Si jamais il n’y a personne en qui tu as assez confiance pour te confier à ce sujet, ma porte est ouverte pour toi. Tu peux me retrouver sur Instagram: et suivre .quebec pour comprendre mieux c’est quoi l’aliénation parentale.
Jade